Haut Conseil des Jeunes : Difficile accouchement

5 March, 2015 - 01:02

En Mauritanie, selon le dernier recensement général de la population et de l'habitat (2012), les jeunes de moins de 30 ans représentent 70 % de la population et les jeunes de moins de 20 ans, la moitié. Prenant conscience de cette donne, le président de la République avait recommandé, au sortir d'une rencontre avec un groupe de quatre cents jeunes, la mise en place d'un « haut conseil des jeunes, représentatif, qui déciderait de l’avenir de la jeunesse, tout en tenant compte des réalités et des difficultés de celle-ci ». Structure appelée à coiffer plusieurs secteurs, ce HCJ serait dirigée par un président ayant rang de ministre, a-t-on bientôt appris. Cette recommandation s’inscrivait dans une promesse du chef de l’État de « renouveler toute la classe politique, dans l’intérêt supérieur de la Mauritanie ». Elle a aiguisé beaucoup d’appétits et fondé de grands espoirs.

Mais des craintes ont également été exprimées. Quelques semaines après la déclaration du Président, des jeunes issus de milieux bourgeois s'affrontaient, en direct, sur des plateaux de télévision, sans être capables de trouver le moindre consensus. Aucun des responsables de la Jeunesse et des Sports ne trouva opportun de traiter un dossier aussi brûlant. Si les autorités se décidèrent à engager des procédures de sélection des candidatures, le HCJ n'est pas près de voir le jour et pour cause. Le communiqué suivant illustre fort bien les difficultés de sa gestation.

« Dans le cadre de la préparation de la mise en place des instances du Haut Conseil de la Jeunesse (HCJ) et la sélection des membres du bureau exécutif, chargé de la mise en place des stratégies générales et du tracé des grandes orientations du Conseil, le comité chargé de la préparation a demandé, en ligne, au début du mois de Février, à toute la jeunesse de Mauritanie intéressée par cette instance, de s’inscrire au formulaire de candidature.

Nous, groupe de jeunes mauritaniens (docteurs, ingénieurs, etc.) conscients de l’importance capitale de notre contribution au développement de notre pays et déterminés à être impliqués dans la gestion des affaires publiques, notamment celles qui concernent la jeunesse, nous avons été inscrits au formulaire de candidature de HCJ, clôturé le 15 Février 2015 ». Mais la suite des évènements ne semble pas avoir convaincu ces jeunes qui dénoncent ce qu'ils appellent un « scandale, dans les procédures de sélection » et leur élimination. Exigeant l'ouverture d'une enquête, ils en appellent au chef de l'Etat. De grands espoirs étaient fondés sur ce HCJ. Des pans entiers de la jeunesse marginalisée croyaient que leur « implication constituait une option stratégique ». Leurs espoirs viennent d'être douchés.

D'autres protagonistes menacent de « fonder une entité de la jeunesse parallèle, ouverte à tous, sans aucune discrimination ou exclusion, si jamais les tentatives de monopolisation de l’organe, par un groupe mobilisé à des fins personnelles et lucratives, ne cessent pas ». De son côté, Jaafar Mahmoud écrivait, dans une tribune récente : « Pour éviter que ce conseil ne soit un conseil banal […], il faudra y mettre des gens compétents, qui représentent la jeunesse – élus, donc, par celle-ci – et connaissent ses problèmes ». L’Union des Jeunes de Mauritanie (UJM), un mouvement d’initiatives et d’associations de jeunes, demande, quant à elle, « l’ouverture, sans délai, d’une large concertation sur le HCJ, ainsi que sur la participation des jeunes à la vie nationale ». Et de préciser : « Un groupuscule de quatorze personnes a pris en otage les droits de la jeunesse, sans mandat ». Reste maintenant à savoir si les autorités vont prêter une oreille attentive à ces doléances qui demandent seulement la concertation. Ou si, au contraire... Trois points de suspension lourds de la responsabilité que prendraient lesdites autorités à mépriser une jeunesse enflammée par des promesses bafouées.

Kaw Thierno