Eclairage sur l’affaire Maurisbank

3 March, 2015 - 01:21

Depuis son déclenchement, qui a vu l’incarcération de son Président Directeur Général  et de ses collaborateurs, l’affaire  de la Maurisbank suscite autant de passions et de curiosité sans réponse dans l’opinion publique, que de craintes et d’incertitudes justifiées dans le très soft milieu de la finance et des affaires.

Par son coté obscur, car relevant des pratiques occultes qui ont fini par consacrer la réputation peu enviable de la BCM, cette affaire n’offre, en effet, aucune visibilité permettant d’en comprendre le fond et les mobiles, d’en identifier les tenants et les aboutissants et d’en élucider les mystères.

La seule chose qu’on en sait et qui abonde désormais dans le sens des conclusions des avocats de la défense, reste, d’une part, l’acharnement sur Ahmed Ould Mogueya et, de l’autre, le limogeage des inamovibles et controversés responsables de la BCM et de la CDD (Caisse de Dépôt et de Développement). Des limogeages aux raisons inavouées et qui viennent encore ajouter au flou et à l’amalgame de ce qui visiblement s’apparente à une parodie de redressement exécutée dans le style d’un film de série B.

Ces constats ramènent à une question, d’autant plus pertinente et essentielle dans le dossier, qu’elle est légitime, compte tenu de l’obligation faite à la BCM de fournir les preuves à charge qui argumenteraient les griefs reprochés à la Maurisbanket que la justice pourrait, le cas échéant,traduire en contenu de contraventions, de délits ou de crimes économiques avérés.

Il est certes difficile pour les non juristes d’émettre un avis de valeur sur cet aspect de la question mais à juger par les faits, tels que présentés par les avocats de la défense, la BCM serait dans une posture inconfortable qui, non seulement, la disqualifie de se constituer partie civile, mais aussi et surtout, la désigne comme l’auteur des seules entorses à la loi relevées au cours de la procédure.

Démêler l’écheveau

C’est donc à l’effet de démêler l’écheveau de cette affaire que nous avons procédé à cet éclairage qui, nous l’espérons, édifiera l’opinion publique, les juges et le Président de la République sur un contentieux aux relents de règlements de comptes et dont les conséquences iront, par leurs effets induits, bien au-delà de l’arrestation de Ould Mogueya et du vernis étalé à la hâte sur des faits compromettants par le limogeage des responsables de la BCM et de la CDD.

Ces précisions étant apportées, venons-en au fait. Mais auparavant et pour bien comprendre l’affaire de la Maurisbank, il conviendrait peut-être de revenir un peu en arrière, le temps d’apprendre à ceux qui ne le savaient pas et de rappeler à ceux qui, par hasard, l’auraient oublié pour les besoins de la cause, que la Maurisbank est née sur les cendres du contentieux de la Bacim Bank (Orabank) qui a opposé ce même Ahmed Ould Mogueya à la BCM.

A cette époque et comme à l’accoutumée, la BCM avait dérogé à ses lois en nommant hâtivement et dans des conditions d’exception, un administrateur qui ressemblait à s’y méprendre à un liquidateur avec carte blanche et en mission commanditée.

Dans un élan d’exclusion souveraine, l’administrateur anticipa la vente de la Bacim Bank au mépris du processus de sauvetage qui devait précéder cette mesure, pour le moins injustifiée et inopportune et dont la responsabilité incombait justement à la BCM.

Sous l’impulsion de l’administrateur,  qui faisait preuve d’un zèle inhabituel en pareilles circonstances, la BCMavait vendu les parts de Mogueya sans qu’il en soit averti et reversé le produit de la vente dans un compte débiteur que ce dernier avait ouvert dans les livres de sa propre banque dont il était, par ailleurs, le PDG.

De là est né le contentieux qui allait se solder par l’autorisation de Maurisbank, laquelle autorisation est perçue aujourd’hui comme étant la manifestation de la fuite en avant d’une BCM à court d’arguments devant l’inébranlable volonté de Ould Mogueya de recouvrer ses biens.

Après une longue et coûteuse procédure devant les juridictions, Ahmed Ould Moguya et la BCM sont parvenus à un accord en quatre points :

  • 1°)  Ahmed Ould Mogueya accepte la vente faite à son insu de ses parts dans le capital de la Bacim Bank.
  • 2°) Ahmed Ould Mogueya renonce à toute poursuite devant les juridictions.
  • 3°) La BCM restitue à Ould Mogueya et sous forme de prêt, le montant de la vente de ses actions dans le capital de la Bacim Bank.
  • 4°) La BCM accorde à Ould Mogueya l’agrément d’une nouvelle banque.*

 

Aveu de culpabilité

Là, il serait opportun de signaler au passage que les points 2 et 3 de l’accord ci-dessus, constituent, de la part de la BCM, un franc aveu de culpabilité et une forme de mea culpa implicite qui aurait, en temps normal, édifié les juges sur les origines du dossier et sur la récidive en la matière de cette institution.

Plus grave encore. Si la BCM a autorisé la création de la Maurisbank, elle n’a pas manqué de l’assortir de l’un de ces camouflets dont elle a le secret et qui se trouve être en contradiction flagrante avec la loi 020/2007 organisant la profession bancaire.

En effet, cette loi fixe à 1 Milliard d’ouguiya le capital de toute banque dont les actionnaires majoritaires sont mauritaniens.

Pour Maurisbank, le cadre juridique s’est trouvé modifié dans sa dimension la plus sensible par une note BCM qui abolit l’unique spécificité stipulée en mesure incitative des investisseurs nationaux. Une note qui porte donc le capital des banques à 6 Milliards d’ouguiya en numéraires libérables immédiatement, indépendamment de la nationalité des actionnaires.

En autorisant donc la création de Maurisbank, la BCM a, non seulement enfreint la loi par le plafond du capital porté à 6 Milliards, mais également par sa nature ‘’en numéraires libérables immédiatement’’comme le prévoient les textes.

Dans le cas de Maurisbank, la BCM a accepté et entériné le montage de financement suivant :

  • Libération de la moitié du capital en nature
  • Moratoire pour 1/3 du capital

En d’autres termes :

  • Prêt de 1 Milliard (fruit de la vente des actions de Mogueya dans le capital de Bacim Bank)
  • 3 Milliards en nature
  • 2 Milliards (tiers du capital) en moratoire

Malgré cet handicape congénital introduit intentionnellement par la BCM et les conditions frustrantes d’un marché saturé, la Maurisbank a fait des réalisations qui devaient au moins la mettre à l’abri des turpitudes qui déprécient chaque jour un peu plus la BCM dans sa vocation régulatrice.

  • La construction d’un siège aux normes internationales en la matière et fourni en équipements modernes.
  • La création de sept (7) agences réparties comme suit : Nouakchott, Nouadhibou, Rosso et Zouerate.
  • Une contribution à la culture bancaire qui s’est concrétisée par l’ouverture de 5000 comptes en un temps record.
  • Création de plus de 250 emplois et autant d’opportunités d’emplois indirectes.

Ces performances de la Maurisbank prennent une signification singulière quand on a conscience des contingences auxquelles elle faisait face et qui procèdent de sa spécificité islamique lui interdisant les agios et, par conséquent, ses difficultés à se refinancer sur le marché monétaire et financier mauritanien.

 

 

Une santé structurelle qui n’a cependant pas résisté à une campagne de désinformation savamment orchestrée pour nuire à l’image de marque de cette banque naissante et dont les instigateurs sont facilement identifiables, étant la suite logique du processus de sa mise à mort programmée.

La campagne et la volonté soutenue de nuire qu’elle véhicule ont sapé le capital de confiance de la banque et provoqué simultanément des retraits massifs et un retard de payement des marchés qui y sont domiciliés.

Quand ces facteurs combinés ont commencé à faire leurs effets sur la trésorerie de la banque, ses responsables ont approché des partenaires dont certains se sont montrés particulièrement intéressés.

 

Conditions draconiennes

Une tentative de sauvetage qui s’est tout de suite heurtée à une proposition (qui ne dit pas son nom) d’entrer dans le capital de la Maurisbank que la CDD avait introduite après que le conseil de politique monétaire a reconnu sa solvabilité en dépit de la crise qu’elle traversait.

La proposition de la CDD, que certains considèrent comme un subterfuge pour faire capoter les négociations de sauvetage entreprises par la banque, étaient assorties de conditions draconiennes mais qui, en guise de bonne foi, avaient été acceptées par cette dernière.

On peut citer parmi ces conditions et, à titre d’exemples :

  • Majorité dans le capital
  • Désignation d’un cogérant

Après que le cogérant en question a passé au peigne fin la documentation de la banque dans laquelle il a séjourné pendant plus d’un mois, la CDD, pensant sûrement avoir compromis toutes les chances d’aboutir à une solution, a décidé unilatéralement de se retirer sans fournir la moindre explication à son partenaire.

C’était sans compter avec le dynamisme de Ould Mogueya car, si on peut dire que le processus de sabotage de la Maurisbank a altéré ses aptitudes au fonctionnement, il n’a en rien entamé la crédibilité et le pouvoir de persuasion de son PDG, si bien qu’au 31 décembre 2014, date butoir donnée à celui-ci par la BCM pour proposer un plan de sortie de crise, trois propositions consignées dans une lettre étaient adressées  à cette dernière.

Ces trois propositions constituaient chacune d’entre elles, une solution au problème de Maurisbank.

  • Un fond Turc proposait de rentrer à hauteur de 50% dans son capital
  • Un fond Américain faisait également la même proposition
  • Une banque Ivoirienne faisait elle aussi une proposition similaire

Aujourd’hui, il apparait clairement que le refus obstiné de la BCM de tenir compte de toutes ces propositions établit, de façon formelle, sa démission devant l’obligation d’assistance aux banques en difficultés.

Ce même refus obstiné démontre également que le sort réservé à Ahmed Ould Mogueya, n’est que l’aboutissement d’un coup foiré dont les dégâts collatéraux ont emporté, par perte et profit pour rester dans le jargon de la comptabilité,  Sid’Ahmed Ould Raiss et Ahmed Ould Moulaye Ahmed.

Affaire à suivre…

Med LemineAbdallahi