Me Moulaye El Ghali Ould Moulaye Ely, avocat de la Maurisbank, dans un entretien exclusif : ‘‘Le problème de Maurisbank est un problème de liquidité et non de solvabilité’’

26 February, 2015 - 00:48

Le Calame : L’affaire Maurisbank alimente, depuis fin décembre la chronique des journaux, suscite l’intérêt des économistes et des hommes d’affaires mais aussi nos partenaires au développement. Le Conseil de Politique Monétaire de la  BCM, après avoir retiré l’agrément à cette jeune banque et demandé sa mise en liquidation,  porte plainte contre son PDG, accusé d’avoir « dissimulé des pièces comptables », et  qui sera  placé, avec deux de ses fonctionnaires, en garde à vue, puis en détention préventive, refuse l’opportunité à ladite banque d’ouvrir son capital à d’autres investisseurs. Pensez-vous à une « volonté de mise à mort » de la Maurisbank, comme, par le passé contre la GBM?

Me Moulaye El Ghali Ould Moulaye Ely : Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez d'éclairer l'opinion de vos lecteurs  au sujet d'un problème devenu national par son importance économique et sociale. Cette question demande cependant plusieurs réponses parce qu'elle comporte plusieurs volets. Je voudrais essayer d'y répondre tout en la résumant au maximum. Le problème Maurisbank est un problème majeur parce qu'ayant  une incidence majeure sur la crédibilité de tout notre système bancaire. Il pose également le problème de la fiabilité et la crédibilité de notre système judiciaire quant aux garanties que celui-ci est appelé à donner aux investisseurs nationaux et étrangers.
 Pour répondre en partie a votre question, je me vois dans l’obligation de vous dire qu’au départ, le Conseil de politique monétaire  de la Banque centrale de Mauritanie a outrepassé ses prérogatives en retirant l'agrément de Maurisbank, tout comme il les avait déjà excédés en s'appuyant sur une violation de l'Ordonnance 2007-020 concernant le montant exigé pour le capital des banques et qui nous a été unilatéralement imposé soit 6 milliards d’ouguiyas au lieu de 1 milliard et bien d’autres illégalités encore! C’est cette pratique devenue systématique qui a sans aucun doute amené le FMI dans sa dernière revue sur la situation économique et financière du pays à recommander comme priorité une « meilleure application de la réglementation " par la BCM.
L’entorse scandaleuse à la réglementation que constitue le retrait soudain et sans préalables  de l'agrément de Maurisbank nous a ainsi amenés à faire un recours en annulation devant la Cour suprême, conformément à la loi bancaire.

Pour faire illusion, et camoufler  les vrais motifs de cette grave injustice, la BCM nous a accusés de dissimulation de documents alors qu’elle a un contrôle total, permanent, sur place et sur pièces, de jour comme de nuit, sans jamais nous dire de quels documents il s’agit et en quoi ils lui ont été dissimulés. Quant à la volonté de mise à mort de la banque, je préfère dire plutôt "une décision de mise à mort et d'enterrement de Maurisbank".

 

On parle de 18 milliards d’ouguiyas qui auraient disparu depuis le démarrage des activités de la banque. Qu’en est-il ? Est-il vrai que l’actif de la Maurisbank dépasse son passif ?
Permettez-moi de ne pas donner le détail des chiffres objet d'une instruction en cours, mais rassurez-vous, l'actif de Maurisbank dépasse et de très loin son passif. C'est l’occasion de savoir que le problème de Maurisbank est un problème de liquidité et non de solvabilité comme d’ailleurs en avait conclu le Conseil de politique monétaire de la Banque centrale lui-même dans sa réunion mensuelle d'aout 2014 et qui a déclenché la formule de prise de participation majoritaire de la Caisse de dépôt et développement (CDD) dans le capital de ma cliente. Aujourd'hui encore, un important partenaire étranger souhaite toujours rentrer dans le capital de la banque. Les choses sont claires et nettes pour qui veut connaître la vérité mais qui "veut tuer son chien l'accuse de rage".  Il convient quand même de rappeler que Maurisbank avait  en moins d'un an et demi un siège moderne, six agences reparties aux quatre coins du pays, cinq mille comptes ouverts et plus de deux cents soixante titres fonciers en garantie de l'ensemble des prêts consentis à ses clients. Aucune banque de la place ne peut afficher de telles performances en si peu de temps, sans actif toxique ni enrichissement illicite. Nous ne sommes pas, comme on dit en droit des sociétés, face à une entreprise désespérée mais viable sauf que les gens qui murmurent dans l'oreille du prince peuvent vous rendre noir ou blanc selon qu'ils vous veulent du bien ou du mal.

 

A qui profiterait cette espèce d’acharnement contre votre client, la Maurisbank ?
Je ne peux pas avoir la prétention de savoir à qui profite l'acharnement contre mon client mais je peux confirmer que Maurisbank dérange. Elle dérange par son siège et ses agences, par sa méthode, par la qualité de ses services, par sa manière de traiter ses clients et surtout par sa pratique rigoureuse et exclusive du système islamique. Ceux qu'elle dérange sont certainement ceux qui ont exercé tous types de pressions et de calomnies afin d'empêcher hier l'entrée de la CDD dans son capital et aujourd'hui un partenaire étranger.
Ils doivent certainement se reconnaitre eux-mêmes, tous et ceux qui les ont aidés. Un jour sûrement, on saura.

Pourquoi, selon vous, la BCM refuserait-elle la proposition de Maurisbank de  « régler à l’amiable » leur différend?

Cette question mérite d'être posée a la BCM tout comme pourquoi la Bcm et son Conseil de politique monétaire ont violé une loi, l'Ordonnance 2007-020, qui fixe le capital des banques le faisant passer à six milliards pour les nationaux au même titre que les étrangers et pourquoi aussi la BCM accepte quand cela l'arrange que le pénal bloque le commercial et le contraire quand cela l'arrange.
La seule chose que je peux vous confirmer sans me tromper est qu'un groupe étranger a manifesté le désir d'entrer dans le capital de Maurisbank a travers deux courriers, l'un envoyé à l'ancien gouverneur et le deuxième à l'actuel gouverneur et que les deux sont restés aujourd'hui sans suite.
Quand une banque est en difficulté, la Banque centrale doit l’orienter, comme le prévoit l'Ordonnance 2007-020 vers la recherche de soutiens financiers pour renforcer son équilibre financier. Et en cas de besoin, le système financier dans son ensemble est tenu  de lui consentir les soutiens financiers requis pour lui permettre de faire face à ses engagements. C'est le principe de la solidarité bancaire de l'Ordonnance 2007-020. Cette solidarité est une obligation légale qui s'impose à l'ensemble du système financier. Mais la Bcm avait mis son veto à toute mesure de renflouement. Autrement, au lieu de liquider Maurisbank et de jeter ses responsables en prison, il aurait été plus adéquat de la placer sous administration provisoire et l'aider à trouver le partenaire stratégique qui conviendrait à la Banque centrale. Cela aurait été un moindre mal. Dans le monde entier, les Etats mettent leur argent dans les banques pour les empêcher de couler et pourquoi serions-nous une exception au point même d'empêcher les investisseurs étrangers de le faire.

Pouvez-vous expliquer, disons justifier à l’opinion pourquoi votre client a  refusé de comparaître devant le tribunal de commerce devant lequel la BCM l’avait cité?  

Mon client a raison de ne pas répondre à une convocation contraire à la loi. En comparaissant devant le tribunal de commerce, il accepte de fait l'ouverture simultanée du même dossier devant deux juridictions, l'une pénale et l'autre civile. Tout le monde sait que le pénal bloque le commercial et particulièrement la BCM qui a, par ce motif, demandé à la Cour suprême de suspendre toute décision d'annulation du retrait d'agrément de Maurisbank tant que ce dossier était pendant devant les juridictions pénales.

Propos recueillis par AOC