Dialoguer pour survivre

25 February, 2015 - 01:01

Depuis quelques semaines, on ne parle que de ça. Dialogue par-ci, dialogue par-là. FNDU ici, RFD là bas. Comme si le pays n’avait, pour l’heure, qu’un seul souci : le dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Comme si la SNIM n’était pas en grève. Comme si le prix du fer n’était pas en chute libre. Comme si le pétrole ne s’était pas tari. Comme si les négociations, avec l’Union européenne, pour l’accord de pêche, n’avaient pas fini en queue de poisson. Comme si la sécheresse ne menaçait pas de décimer notre cheptel. Comme si notre rêve de produire de l’électricité à partir du gaz ne s’est pas transformé en cauchemar. Comme si la gabegie, le détournement des deniers publics et le népotisme n’avaient pas atteint des records inégalés. N’empêche ! Le dialogue sera notre bouée de sauvetage, l’ultime recours pour nous sortir de l’impasse. Du moins, nous empêcher d’y penser. Et telle une morte de faim, l’opposition saisit la balle au bond.

Depuis, les réunions se succèdent. On ne parle que de préalables, de conditions, de propositions et de contre-propositions. A toutes fins utiles, il ne serait pas superflu de rappeler, aux plus optimistes, à ceux qui croient aux « vertus » du dialogue qu’un des points de l’Accord de Dakar s’intitulait « De la poursuite du dialogue national inclusif ». Il disait, notamment : « Cet accord ne met pas fin à la poursuite du dialogue national sur les autres questions qui peuvent renforcer la réconciliation nationale et la démocratie. Dans le prolongement de l’élection présidentielle, le dialogue national inclusif sera poursuivi et intensifié entre toutes les forces politiques mauritaniennes en vue, notamment : du renforcement des assises et de la pratique de la démocratie pluraliste, ainsi que de la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement, y compris la réforme des institutions nationales de sécurité ; de la promotion de la bonne gouvernance politique et économique ; de l’Etat de droit et du respect des droits de l’Homme ; de l’élaboration et de l’adoption des réformes susceptibles de renforcer le bon fonctionnement et l’équilibre des institutions de la République ; de la possibilité d’arrangements politiques de partenariat dans l’exercice du pouvoir et des perspectives de tenue d’élections législatives anticipées […] »

Six ans après la signature de cet accord devant les Nations Unies, l’Union Africaine, l’Organisation Internationale de la Francophonie et la Ligue arabe, qu’en a-t-il été réalisé ? N’a-t-il pas été jeté au mur, sitôt la présidentielle achevée ? Les tenants de la majorité, chef en tête, n’ont-ils crié sur tous les toits, une fois la victoire en poche, que cet accord n’était pas le Coran ? Autrement dit, qu’il n’y avait aucune obligation à s’y conformer. C’était oublier, un peu vite, que Le Livre Saint exige, pourtant et vivement, de respecter ses engagements. Se déciderait-on, aujourd’hui, à des comportements enfin plus islamiques ? Et jusqu’à quel point ? Qu’adviendra-t-il, en effet, d’un accord obtenu au forceps, paraphé entre quatre murs et rien qu’entre nous ? Ce n’est pas seulement dans l’urgence qu’il nous faut penser non pas dialogue tout cours mais dialogue sérieux et sincère pour nous sortir de ce mauvais pas. C’est une condition existentielle, aujourd’hui, sur la planète Terre et d’autant plus impérative qu’on y pèse peu… Soyons enfin lucides…

Ahmed Ould Cheikh