Trois questions à Yahya Ould Ahmed El Waghf, président du parti Adil, membre du FNDU: ‘‘Un pouvoir qui n’applique pas les lois de la République ne donne aucune assurance quant à l’application de ses engagements’’

11 February, 2015 - 00:14

Le Calame : L’opposition ne semble pas pressée d’amorcer le dialogue avec le pouvoir. Pouvez-vous nous expliquer les raisons ?

Yahya Ould Ahmed El Waghf : Notre pays vit une crise politique depuis 2008. L’initiative de résolution de la crise est naturellement de la responsabilité du pouvoir. C’est le pouvoir qui ne semble pas pressé de chercher une solution à cette crise. On ne peut pas accuser une opposition exilée dans son propre pays, privée de tout droit élémentaire (emploi, justice, etc.) de refuser un dialogue qui peut mettre fin à un embargo qui dure depuis plus de sept ans. C’est l’opposition le premier bénéficiaire, et avec elle tout le peuple mauritanien, de tout règlement de la crise politique. Il est donc impossible qu’elle puisse trainer les pieds quand elle voit que des chances réelles d’un dialogue sérieux existent. Il revient au pouvoir de prouver qu’il a une réelle volonté de régler la crise politique, à ce moment, vous allez voir que l’opposition est très favorable au dialogue.

 

Depuis que les propositions, certains au sein du pouvoir, et même de l’opposition accusent déjà le président en exercice du FNDU et du RFD, Ahmed Ould Daddah qui ne serait pas enchanté par l’offre du pouvoir. Certains partis du FNDU seraient aussi suspectés d’avoir rencontré le président du Sénat avant même le retour, le jeudi dernier, d’Ould Daddah.  Ne cherche-t-on pas à le diaboliser, donc à lui faire porter l’échec du dialogue avec le pouvoir ou à l’isoler, donc à casser le FNDU ?

Au niveau du FNDU, la réponse au papier reçu du Premier Ministre a été prompte et claire. Le FNDU a été et est toujours favorable au dialogue. Il a une très mauvaise expérience avec ce pouvoir, en tous domaines, et particulièrement en matière de dialogue. Il ne peut pas ne pas prendre cela en compte. Il est favorable à un dialogue sérieux qui peut sortir le pays de cette crise. Le pouvoir n’a jusqu’à présent donné aucun signe significatif de sérieux ni de bonne volonté. Il a juste été dit qu’il est prêt à discuter certains points. Ce n’est ni nouveau ni suffisant. Un pouvoir qui n’applique pas les lois de la République ne donne aucune assurance quant à l’application de ses engagements. Le RFD est le parti qui a le plus combattu la dictature dans ce pays, c’est lui qui a le plus payé le prix pour la liberté et la démocratie et c’est lui le premier bénéficiaire d’un dialogue qui aboutit au règlement de la crise politique.  Il ne peut pas être soupçonné de refuser le règlement de la crise politique, règlement dont il sera le premier bénéficiaire.  Le pouvoir dispose de tous les moyens et n’épargne aucun effort pour diviser le FNDU. Aucun dirigeant du FNDU n’a donné d’engagement ni négocié avec le pouvoir. Nous sommes dans une société où tout le monde connait tout le monde et où chacun peut rendre visite à chacun et discuter avec lui n’importe quoi. Tout ce qui a été dit ou écrit dans ce domaine relève de la stratégie de division du FNDU, mais personne n’est dupe. 

 

Qu’y aurait-il de rassurant ou de nouveau dans l’offre du président Aziz et qui puisse inciter l’opposition à aller au dialogue ?

Je n’ai rien vu de nouveau par rapport à ce que nous avons vu lors des expériences passées. Pour ne citer que la dernière, nous avons signé un procès-verbal avec un ordre du jour consensuel et vous connaissez le résultat. Dans le cas présent, il s’agit d’un papier avec une liste de points. Qu’est ce qu’il y a donc de rassurant ? Tant que le pouvoir ne reconnait pas l’existence de la crise politique, l’opposition ne peut que douter de sa volonté d’aller à un dialogue sérieux.

Propos recueillis par Dalay Lam