Nuit d’Achoura ou le grand régal de « Harane » à Arafat

15 August, 2022 - 17:14

 

Les mauritaniens ont célébré  Achoura, dans la nuit du 9 au 10 du mois de Mouharam, communément appelé  chez les Peuls, Harane, une déformation peut-être de Mouharram. La commémoration de cette fête du début de l’an musulman se singularise par  un grand régal (haarde)  qui lui est attaché. En effet, ce soir là, les familles préparent de grands plats  de couscous (lacciri ) arrosés de sauce de viande ou de poulet, d’autres optent  pour le « haco », un plat à base de feuilles de haricot mélangé avec de la viande ou du poisson et des arachides grillée et écrasées. A cette occasion, les poulaillers  sont  fortement saignés dans le monde rural, sinon, dans les villages, les hommes se cotisent pour acheter un bœuf ou une vache qu’ils abattent. Ils se partagent la viande. Un système appelé Tong Tong dont  se rappellent ceux qui ont lu les Contes ou les nouveaux contes de Amadou Koumba de Birago Diop (L’os de Mor Lam, paru en 1947, édit Fasquelles, présence Africaine, 1960). Cette nuit est souvent précédée ou suivi d’une journée de jeûne réputée très bénéfique. Le Harane est une Sunna,  pas obligatoire mais vivement recommandée.

Le jour de fête, les femmes  s’activent, en début d’après-midi,   autour de grands fourneaux à charbons ou à gaz,  pour préparer le dîner qu’on laisse mijoter longtemps au feu. Les odeurs agréables étaient perceptibles dans les maisons et même dans les rues. Toute cette agitation se justfie par le fait que  la famille doit se régaler pour,  espère-t-on ne pas tomber sur le chiffre dix. En effet, selon une vieille tradition, au cours de cette nuit, Allah  envoie ses anges pour compter le nombre d’âmes que la terre compte et chaque  10e personne ne survivra pas l’année nouvelle. C’est pourquoi les gens se rendent visite, formulent des prières pour demander à Allah d’échapper à ce ce chiffre considéré comme  « maudit ». Les prières que les envoyés de Dieu vont lui rapporter. Avec l’évolution ou la modernité, le couscous traditionnel est en train d’être relégué aux oubliettes cédant  ainsi la place aux autres plats comme les pâtes ou simplement les sauces de viande, de poulet importé  ou de poisson.

Cette nuit est aussi, il faut le rappeler  l’occasion de célébrer la solidarité entre les familles, entre les voisins et avec les  démunis. Les repas sont  envoyés à ces derniers ou échanges avec des proches.

Cette nuit est  également marquée par les chants et les danses des enfants  mais aussi de grandes personnes qui se déguisent en animaux, les femmes en hommes. A Arafat Mesjid Ennour, les uns et les autres circulaient, de maisons en maisons pour collecter la charité, sous forme de couscous ou d’argent. Un véritable carnaval dans les rues apprécié des enfants qui ont commencé dans l’après-midi à préparer leur petit tam-tam qu’ils battu dans la soirée.

La nuit du Harane célébrait, selon une tradition,  les rapports entre les coépouses. Cette tradition subsiste de nos jours, car quelques jours avant la fête, les deuxièmes femmes de familles polygames rendent visite aux premières  pour réclamer « le dîner des 2e », une occasion  de se taquiner et d’échanger des amabilités avant  de s’acquitter d’une espèce de « dû », en mil, en riz, en lait ou en argent. Le tout dans la convivialité avant de se souhaiter  bonne année.