LA NATION ETOUFFE : Les menteurs se tairont

7 January, 2015 - 16:13

Il ne peut y avoir de vraies libertés et dignité sans les droits économiques.

‘’Quand ont peut tout ce que l’on veut, il est difficile de vouloir ce que l’on doit’’       Louis XIV

L’arbitraire, la bureaucratie, le gaspillage, le népotisme sont la maladie pernicieuse des peuples sous-développés ; particulièrement de ceux qui sont soumis au pouvoir absolu. Quand cette maladie atteint un pays, elle le submerge et finit par gangrener tout le corps social. Elle a été inoculée, à notre pays, par Mohamed ould Abdel Aziz. Au lieu d’avancer, la démocratie a reculé. Les droits de l’homme et la dignité du citoyen ont été emportés par le vent…

La situation du pays peut-elle basculer ; devenir incontrôlable ? La question interpelle tout le monde. On se la pose, en redoutant une réponse positive. Il est vrai que la Mauritanie vit au bord du précipice depuis trop longtemps. Chômage, insécurité, flambée des prix, corruption, faiblesse des services publics et de l’Etat, libertés menacées… Face aux difficultés et aux craintes qui s’amoncellent, les Mauritaniens sont de plus en plus nombreux à exprimer dépit et colère. Il ne peut y avoir de vraies libertés et dignité sans droits économiques. L’injustice dévore, comme une lèpre, tout le corps social ! Quand un système politique échoue lamentablement et qu’il mène tout le pays aux pires difficultés, les dirigeants remplacent l’analyse objective par le bluff. FIASCO économique, FIASCO social, FIASCO politique, FIASCOdiplomatique. L’échec est total et dans tous les domaines, hélas ! La Mauritanie d’Ould Abdel Aziz, à l’exemple de la grenouille de la fable qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, se nourrit et enfle de bourrages de crânes et de slogans. Le mensonge fini par la tuer. Le pouvoir est effrayant, parce qu’il est autodestructeur, « et dans le cas d’Ould Abdel Aziz, c’est pathologique ». Personne dans son entourage, n’ose plus dire la vérité au Président. On connaît le mot de Louis XIV : « Quand on peut tout ce que l’on veut, il est difficile de vouloir ce que l’on doit ». Ministres, ils sont résignés à recevoir, du cabinet du chef de l’Etat, l’essentiel des impulsions gouvernementales. Députés, ils obéissent, quand l’ordre leur est donné, et leur opinion change aussi souvent que change l’ordre. Pour mieux asseoir sa mainmise politique sur le pays, Aziz choisit d’en redessiner les institutions. Innovations tous azimuts, par la fondation de toute une kyrielle d’organes au contenu indéterminé. Arrivée en masse d’hommes et de femmes au profil inconnu, dans les ministères ou la fonction publique. Sabordage des repères, dans les plus hautes fonctions. Mise à l’index de certains grands commis de l’Etat. Ould Abdel Aziz a apparemment cassé le socle sur lequel repose la république mais, aussi, son propre pouvoir. En gouvernant avec des béquilles (agences et conseillers aux pouvoirs indéfinis), il a fait perdre à l’Administration son aura. L’armée, la police et la gendarmerie ont aussi subi cette « vengeance ». Bref, tout a été mis en branle pour faire payer, à l’Etat, la loyauté des servants du régime tayaïste. Sous la coupe du régime qui a promu leurs hommes, la police et la gendarmerie ont eu beaucoup de mal à convaincre de leur impartialité dans le traitement des affaires.« Deux républiques en une, hélas ! Trois fois hélas ! L’une à genoux, sans repère, déçue,  frustrée, voir trahie et l’autre, véritable industrie de fabrication en série d’une nouvelle classe bourgeoise, se payant des villas de luxe et des voitures rutilantes ». Le renchérissement du coût de la vie, la faillite du système éducatif, les défaillances des secteurs de la santé et de la sécurité publique sont autant de maux dont souffrent, plus que jamais, les Mauritaniens. Hélas ! Trois fois hélas ! « Les Mauritaniens sont fatigués. Je dirais même qu’aujourd’hui, ce sont des morts-vivants ». Les fonctionnaires de l’Etat sont réduits à attendre, stoïquement, les « fins de mois, l’augmentation des salaires, une misère ». Parce que la solde venue, ils n’ont plus occasion, que de la « toucher », pour aussitôt la dépenser, jusqu’à la dernière ouguiya, hélas ! Encore que le salaire est loin de couvrir les frais de nourriture, entre autres besoins. Voilà désormais le lot quotidien des fonctionnaires, hélas !

 

Les paradoxes du « système Aziz »

Les Mauritaniens sont écrasés par le système politique et économique qui les a malmenés et pressurés jusqu’à la limite de l’humainement supportable. Comment en est-on arrivé là ? Une des dimensions essentielles qui caractérisent le président Aziz reste, sans doute, son extraordinaire capacité d’orchestration et de manœuvres, pour garder le fauteuil présidentiel. L’université mauritanienne, transformée en ghetto producteur de chômeurs, se trouve dans un état de décrépitude morale et physique avancé, avec des équipements obsolètes, des effectifs pléthoriques, un personnel, tant enseignant qu’administratif et technique, à bout des sacrifices consentis, pour sauvegarder un niveau et un prestige encore intacts. Dans le secteur de la santé, notamment l’accès aux soins, la protection maternelle et infantile, l’assistance aux personnes du troisième âge, le niveau du service offert a considérablement baissé, en raison d’infrastructures mal entretenues, insuffisantes, inégalement réparties et du manque de personnel qualifié. Les coûts d’accès deviennent insupportables pour les populations, de plus en plus obligées à se tourner vers la médecine traditionnelle. Le monde rural attend, depuis de longues années, un possible accès à des techniques éprouvées en Asie et en Europe, qui le libèreraient, enfin, d’une dépendance paupérisante et humiliante.

La lutte contre la grande pauvreté ne peut se réduire à une proclamation lancinante, lassante et démagogique, formulée sous le vocable inadéquat de la « demande sociale ». La pauvreté est générée par le double phénomène de l’abandon progressif des priorités sociales et par un gaspillage, de plus en plus accentué, des ressources de la communauté nationale, dans des opérations ou des programmes sans aucun lien avec les populations. Là réside une des plus graves responsabilités de la puissance publique. Mohamed ould Abdel Aziz n’est pas un politicien, au sens classique du terme. Aujourd’hui, aucun homme seul ni aucun parti politique ne sauraient se vanter de pouvoir relever, de manière exclusive, tous les défis qui nous interpellent. Ce n’est qu’unis dans la diversité et dans le libre choix des programmes de redressement que les Mauritaniens parviendront à faire face à la situation. Il est plus qu’urgent qu’un forum « Ethique, politique et pouvoir » se mette à l’œuvre, entre le régime, la société civile et l’opposition. C’est une nécessité. Le jour où les Mauritaniens et leurs dirigeants croiseront, ensemble, leurs destins, le pays sera sauvé. L’Etat de Droit, celui du respect de tous les droits, porte l’espoir des Mauritaniens. Pourquoi ne pas le choisir ? Jamais, dans l’histoire de ce pays, les interrogations n’ont été aussi nombreuses, sur tout ce qui touche à l’avenir et aux perspectives d’une nation qui, jusque-là, avait su faire face à toutes les incertitudes politiques, économiques et sociales, quelles qu’en fussent les causes, les manifestations et les effets.

Après tant de promesses non tenues, tant de rendez-vous manqués, tant d’occasions ratées, les Mauritaniens en sont arrivés, hélas, à osciller devant l’impossible choix, entre la résignation et la révolte. Jamais, sans doute, depuis 1960, le fossé n’a été aussi grand, entre ceux qui sont censés assurer la direction du pays et nos populations. Un pays en loques où l’opulence côtoie la misère et le désespoir, où les yeux hagards des enfants affamés, agglutinés aux feux rouges d’une capitale ensevelie sous les ordures, sont éblouis par les voitures rutilantes d’une classe dirigeante arrogante, incompétente et corrompue. Aujourd’hui, personne, en Mauritanie, n’a le droit de se taire, malgré les menaces et les provocations. La jeunesse de notre pays vit une situation, endémique, d’inquiétudes profondes. Les Mauritaniens réclament le droit, le droit souverain de jeter un regard sur la situation de leur pays et de rechercher –que dis-je, de trouver – les solutions les plus convenables à leurs problèmes, à la situation de leur patrie. La morale doit les y aider. L’éthique républicaine doit en garantir le droit. La violence verbale, la violence physique ou politique, n’a jamais été un moyen de rapprocher les hommes et les idées. Elle n’est qu’un raccourci, pauvre de contenu humaniste, à effet peu durable, destructeur. « La haine », disait le poète, « est la colère des faibles ». Et il a ajouté : « Ceux dont le cœur est plein de haine ne peuvent diriger les hommes ». Il ne faut pas désespérer. Parce que tout doit changer, parce que tout peut changer : le changement est inéluctable. Trop, c’est trop. Il faut arrêter les dégâts.

 

Ecole publique en faillite continue

Un Etat qui ne réussit pas l’éducation de ses enfants peut-il espérer réussir autre chose ?

 

2/2

Le développement passe, d’abord et avant tout, par un système éducatif performant. Or, sur ce plan, la faillite de l’Etat est patente. Il y a de quoi avoir des sueurs froides à propos du système éducatif mauritanien qui ne cesse de tomber en décadence. L’éducation est pourtant un service public dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’Etat. Mais qu’est-ce que ce dernier a fait de l’héritage daddahien de l’école mauritanienne ? Hier adulée et enviée, pour avoir produit un nombre important de ressources humaines de valeur, on peut se demander, aujourd’hui et à juste titre, ce qui peut encore motiver un parent à envoyer son fils à l’école publique. L’école traverse une crise structurelle grave qui met à nu la faillite de l’Etat. Le préscolaire est assuré par le privé. Le manque de qualité a fait que le niveau de l’enseignement s’est beaucoup trop affaissé. Le taux d’achèvement constitue un énorme problème. 78,51 % de jeunes mauritaniens âgés de moins de 20 ans ont abandonné l’école avant de terminer le premier cycle de l’enseignement secondaire. Le petit nombre d’élèves qui ont la chance de décrocher le Bac, entre, la plupart du temps, à l’université, synonyme de garderie d’adultes, avec un taux d’échec qui dépasse les 80%, en première et deuxième année. Et pour les rescapés qui obtiennent licence, ils sont, pour beaucoup, confrontés au problème, tant décrié, de l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Souvent pointés du doigt, ces problèmes n’ont que trop duré. L’école mauritanienne croule sous le poids de ses innombrables t            ares. Hélas ! Trois fois hélas ! Quelle misère !

 

En politique, faute se paie. La culture de l’éthique et du travail est la seule condition, pour le développement durable de la Mauritanie. Les Mauritaniens doivent se déterminer à débusquer et à écarter, « sans complaisance ; punir, au besoin et sans faiblesse, ceux qui ruinent ce pays ou le desservent, les corrompus, les antinationaux, les roublards et les paresseux ». Il faut cultiver l’honnêteté, le courage au travail, que chacun, au poste où il est, du ministre au planton, du chef d’entreprise au manœuvre, considère le destin de la Nation, comme reposant sur ses seules épaules. Pour que l’éthique règne, deux conditions : une justice forte et respectée, servie par des magistrats « bien traités et indépendants », et la « réhabilitation de la fonction technique, au détriment de la fonction politique ».

 

 

Ahmed Bezeïd ould Beyrouck

chroniqueurbeyrouck@gmail.com

Je ne suis ni de l’opposition

ni de la majorité présidentielle

Je suis ailleurs

A bon entendeur, Salut