Le cinéaste mauritanien Djibril Diaw récompensé en France

18 December, 2014 - 01:02

Le jeune réalisateur Djibril Diaw a obtenu, le 7 Décembre dernier, à Paris, le Prix Spécial de la première édition du festival Docs Afrique, pour son second moyen-métrage, « Retour sans cimetière », réalisé en 2013. L’œuvre était présentée en compétition avec plusieurs films documentaires.

Le film explore les coulisses d’une tragédie humaine en cours, fruit d’une époque sombre de l’histoire récente de la Mauritanie : l'impossibilité, pour les rapatriés du village de Donaye, dans le Tooro mauritanien, de mettre en terre leurs morts en Mauritanie. Leur cimetière, spolié par les autorités mauritaniennes, au profit d'un agro-businessman maure, après les expulsions de 1989, leur est interdit d'accès. Ils sont désormais obligés de traverser le fleuve Sénégal, dépouilles mortuaires en pirogue, pour ensevelir leurs morts. « Retour sans cimetière » traite ainsi de la déshumanisation des Négro-mauritaniens dans leur propre pays.

L’histoire retiendra probablement que Djibril Diaw est le premier mauritanien à avoir réalisé un film sur les événements de 1989. C’était en 2009. Censurée par le gouvernement de Moulaye ould Mohamed Laghdaf, cette première œuvre du jeune réalisateur, sobrement intitulée « 1989 », obtint le deuxième prix du festival de la Semaine NAtionale du Film (SENAF), à Nouakchott, l’année même de sa sortie, et fut classée troisième, au concours international de Vidéo Challenge Démocratie, organisé par l’Ambassade des USA à Nouakchott également, avant de se voir sélectionné, en novembre 2013, en compétition officielle, pour la première édition du Festival d’Alger du cinéma maghrébin.

Djibril fait partie de la nouvelle génération de cinéastes documentaristes sur lesquels la Mauritanie peut désormais compter. Réagissant à son sacre, Djibril a remercié « ceux qui m'ont, de près ou de loin, soutenu, ce matin, à la remise de mon prix que je dédie à tous les Mauritaniens qui aspirent à une Mauritanie meilleure, plus juste, libre et qui s'accepte dans sa diversité ». Le talentueux jeune homme est également l’initiateur du Festival de l’Image du Fleuve (FIF) qui se déroule annuellement à Boghé, dans le sud de la Mauritanie.

Le festival Docs Afrique[s] est né du désir de faire découvrir, au public français et, plus largement, occidental, l'évolution du continent africain, encore trop souvent victime de préjugés et d'images négatives. Docs Afrique[s] propose des documentaires réalisés par de jeunes cinéastes qui nous montrent une image à la fois imposante et éclairante des profondes transformations qui interviennent actuellement dans les sociétés africaines. Les thèmes les plus significatifs des documentaires sélectionnés traitent de la migration, l’éducation, la santé, le développement urbain, le droit des femmes ou encore l’égalité des chances…Plus de trente films ont été projetés durant la première édition du Festival.

On notera, enfin, que la récompense décernée à « Retour sans cimetière » intervient au moment où des membres de la Caravane sur le foncier agricole dans la Vallée croupissent en prison. Leurs partisans affirment qu’ils avaient organisé cette caravane pour dénoncer « l’esclavage agricole et l’expropriation des terres appartenant à des négro-africains de la Vallée, au profit d’apparatchik du pouvoir ». Les autorités mauritaniennes les accusent, quant à elles et notamment, d’avoir « organisé une manifestation non autorisée, troublant l’ordre public » et de s’être« rebellés contre la force publique, au moment de leur arrestation ». Quoiqu’il en soit, une chose est certaine : « Retour sans cimetière » est programmé dans différentes villes de France, notamment à Lille, depuis le 13 Décembre. Publicité internationale garantie, pour le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz…