Le genou de Tsahal : I can’tbreathe ! par Brahim Bakar Sneiba, Ecrivain

3 June, 2021 - 00:45

Pour ceux qui ne le connaissent pas de près, voici, vite croqué, et en français facile, le portrait de ce jeune professeur décidément par trop controversé.  Poussé trop tôt à la sortie de l’Armée, mon recyclage en vie civile, m’a amené à faire les 36 métiers. L’un de ces pis-aller était celui d’écrivain, auquel une assez bonne scolarité à l’Ecole de la République semblait me prédestiner. J’approchai ainsi un gratin d’écrivains et de critiques : Beyrouk, Ghassem Ahmedou, Idoumou M. Lemine, Aichettou M. Brahim, Rachid Ly…et last but notleast, Mamadou Khalidou Bâ, un professeur Habilité à Diriger des Recherches. Compétent, son apport à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines est appréciable. D’un abord facile  et liant, il aime son pays, mais surtout sa race ; disons d’un amour démesuré, symptomatique d’une hypertrophie du moi et du ça. D’aucuns le trouvent chauvin, suite aux nombreuses échauffourées avec ses compatriotes arabes. A l’Institut Français de Mauritanie, on sait qu’il a été à deux doigts d’en venir aux mains avec un grand écrivain. A l’université, ses collègues sont méthodiquement méfiants. Son avant- dernière frasque en date fut le refus, peu civique, de se remettre en quarantaine. Personnellement, j’ai croisé le fer, plutôt les mots, à la Télévision avec M. Bâ. Sans gravité. Malgré tout, nous  privilégiâmes  notre ‘’ compatriotisme ‘’, essayant de tout noyer dans la dérision et dans des humeurs concoctées. Pour parler des Beïdanes, il aime à répéter  une formule stéréotypée, en usage au Sénégal : « Naaramoul Toubey ».Tout en sourire, jouant le « saalit », je lui rétorquais : «Tu es un esclave, il vaut mieux pour toi que tes maitres aient des sarouals » Et lui de partir d’un rire sarcastique. Au sein de l’Association des Ecrivains Mauritaniens d’Expression Française, nous préférions mettre tout ça sur le compte de la  « jeunesse » ; tout en suspectant une aigreur que des circonstances, non connues de notre part, ont dû nouer dans le psychisme de l’enfant quasi-prodige, mais terrible, qui crée un déluge  de grabuge. Au total, l’homme était belliqueux et avait visiblement tendance au sensationnel. Bref, voici succinctement brossé le profil psychologique de mon ami Bâ Khalidou ; après quoi je vais parler directement au Professeur, par rapport à ce qui constitue une bévue hystérique, j’allais dire historique ; qui ne manquera de lui créer après coup un problème de conscience ad vitaematernam.

 

Pogba et Diallo, c’est mieux

Mon ami ! Avant tout, je te demande pardon à l’occasion de la fête du Fitr  et je souhaiterais  que tu demandes autant à tes compatriotes, blessés dans leur amour-propre, par un laïus intempestif et désobligeant. Ceci dit, j’interdis à tous ceux qui m’écoutent de  troubler ta ‘’sérénité’’. Certes, tes étudiants sont choqués. Tu remarqueras par toi-même que ceux qui te sollicitaient pour la direction de leurs mémoires, ne le feront plus de gaieté de cœur. Tu vivras, probablement, ne serait-ce qu’en filigrane, un florilège d’incivilités à peine voilées. Contrairement à toi, Pogba et Diallo marqueront agréablement l’histoire, ayant brandi le drapeau palestinien après un match de Man United. Excusez- vous ; faites comme eux et Fofana.

M. Bâ, ta sortie est d’autant plus malencontreuse que tes propos ne tiennent pas la route. Force est de constater que tu regardes paradoxalement les Peulhs par le petit bout de la lorgnette. Ce n’est pas mon cas, plus royaliste que le roi. Je vois les Peulhs comme un peuple dominateur ; jamais dominés, du moins n’ayant jamais accepté la domination. Notre ‘’Nous’’ national se gargarise de compter en son sein un peuple de conquérants, issu de grands empires afro-musulmans, qui a régné en maitre sur d’incommensurables espaces multiethniques, influençant à tout point de vue ce qui deviendra l’espace mauritanien. Peux- tu compter les Arabes et les Arabo-Berbères adeptes des Almami (FoutaToro, wasoulou, Boundou, Melakorou, etc) de Cheikh Oumar Tall, de Cheikh Moussa Kamara, de Cheikh Amadou Bamba ?… Et j’en passe pour éviter le fastidieux. Je ne saurai banaliser une quelconque souffrance, serait-elle celle d’un chien errant. A plus forte raison celle de compatriotes auxquels j’ai emprunté mon patronyme familial (Samba ). Chez nous, le passif humanitaire aura été réglé à l’amiable. Efficacement ? Les appréciations divergent. M’est avis que  même si la résolution était efficiente et durable, ce dossier fumant aurait pu être mieux ‘’ficelé’’…

 

Opprimés /oppresseurs

 En fait d’oppression, vous exagérez un peu. On dit que la comparaison n’est pas raison, dans le cas d’espèce ta comparaison est déraison. On ne peut pas dire que le  peuple peulh n’a pas souffert çà et là ; comme tous les autres peuples, toutes proportions gardées. Aucun peuple n’est perpétuellement gracié par le destin. Demandons aux Incas, aux  Peaux rouges, aux Arméniens, aux Algériens … un certain moment de leur histoire. Il faut concéder que les Peulhs à travers l’Afrique ont été pressurisés par les régimes politiques dictatoriaux, mais ambitieux et combatifs ils n’ont jamais baissé la garde. Les despotes africains ne les aiment pas et eux le leur rendent si bien.

Professeur, jette un regard furtif sur  la Préhistoire, la Protohistoire et l’Histoire, et tu verras que des cortèges de malheurs ont malmené les peuplades les plus puissantes. La Traite négrière et la Colonisation furent autant de calvaires pour plus d’une race. Les juifs, « peuple préféré d’Allah » a bien souffert, mais il a pour autant fait beaucoup souffrir tant de fois tant d’innocents et parfois devrais coupables. Ceux-là ont entre autre subi l’holocauste, sur lesquels les extrémistes parmi eux ont bâti  un discours victimaire, perçu comme exagéré par bien des gens. C’est surtout les sionistes parmi eux qui sont les zélateurs du suprématisme, d’ailleurs désapprouvés par les haredim, appelés communément juifs ultra-orthodoxes, réfractaires à l’érection d’un Etat juif. Vrai ou faux, relativement grave ou horrible, le génocide du peuple juif, annoncé par MeinKampf, n’a jamais été magnifié par un musulman ou un arabe ! Hitler et le troisième Reich demeurent un souvenir des plus hideux et des plus odieux de l’histoire humaine. Plus que Tamerlan, qu’Abdul Hamid, le Sultan, bleu de peur, rouge de sang et qu’Atilan le Roi des huns, qui disait « là où mon cheval passe l’herbe ne pousse plus ». Me gardant de comparaison, je trouve que Sabra et Chatila, les sièges macabres de Ghaza et les exactions infligées à  nos peuples africains par les despotes des républiques bananières postcoloniales ne sont pas de l’intensité‘’ barbarique’’  de Dachau, Treblinka, Ravensbrück, etc. Mais, c’est quand le même registre de l’Ignominie. Sans idée de classement, toutes ces abjections partagent une caractéristique: des flots du sang innocent des fils d’Adam donnant des haut-le cœur à la terre et les égouts  répugnant à les digérer. Attention à la victimisation sélective par trop excessive !

 

Vrais et faux dévots

A cet endroit, une invariable mérite d’être relevée : aucun livre saint n’a jamais prôné la violence. Bien au contraire. Voici, à titre d’exemple, le décalogue confié par Dieu à Moussa (Moise pour certains) : Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement/Son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment/Le jour du Seigneur garderas, en servant Dieu dévotement/Tes père et mère honoreras, tes supérieurs pareillement/Tu ne tueras pas/Tu ne commettras pas d'adultère/Tu ne voleras pas. Attention ! En cela, n’étant pas raciste, je ne hais aucune race, mais, comme Roger Garaudy, je trouve qu’il y a les vrais Juifs appliquant la Tora, les vrais Musulmans orthodoxes et les vrais Chrétiens, auxquels je ne concède pas la sainte-trinité, au passage.

Frangin, Je te tiens toujours en haute estime, mais j’appréhende que tes incartades, pour le moins excessives, ne se retournent contre toi, en flèche de boomerang. Les juifs aujourd’hui se considérant race supérieure ne seront pas contents de te voir les comparer à un peuple musulman nomade de «  l’Afrique sans histoire » disait, à tort, M. Marx. Le peuple peulh fervent musulman ne voudrait pas également être comparé aux adeptes d’une autre religion. Fier de son histoire, il tient orgueilleusement à ses spécificités, et n’a pas besoin que l’on s’apitoie sur son sort  par ricochet, dans le sillage d’autrui. Je suis sûr que les Peulhs se désolidariseront de toi  pour avoir soutenu l’insoutenable. Ils te réprimanderont en aparté, voire en public.

 

I can’tbreathe

Comment, tu oses cautionner un combat à mort, comme celui de Goliath contre David  faisant rage maintenant en Palestine ? Comment un musulman –  fervent, je crois– comme toi, peut-il s’impliquer dans un conflit pour prôner autre chose que la paix et la fraternité entre les hommes ?Maintenant, même les gaguères sont décriés pour éviter que coule le sang entre les coqs. Tu me fais peur, maintenant, craignant que demain, si d’aventure deux petits chauvins d’étudiants (comme en trouve, malheureusement sur le campus) se battaient, tu puisses  ameuter les étudiants peulhs pour écraser les côtes du petit beïdane, sans crier gare ! Ce qui est par ailleurs regrettable est que les juifs dominant le Monde  aujourd’hui, et Tsahal, l’une des plus grandes machines de guerre au Monde – rappelant la Wehrmacht –n’ont pas besoin de ton soutien. Tu seras le moineau prévenant le baobab de son envol, qui lui répond « je ne savais pas que tu t’es posé sur mon branchage » (anecdote de notre sagesse populaire). Qu’un pauvre hère africain, comme  toi ou moi soutenait Israël, ça s’appelle « pisser dans un violon ».Pour éviter la surenchère et être politiquement correct, souhaitons la solution des deux Etats,  susceptible celle-là de garantir la paix au Moyen-Orient. Je concède volontiers  que tous les juifs vivent en Paix en Palestine, mais je ne peux concevoir que les victimes du Führer, rescapés des fours crématoires, soient aujourd’hui les bourreaux des Palestiniens, une victime exemplaire. Soutenir Israël dans son équipée, ça équivaut à encourager l’Amérique blanche quand elle opprime les Noirs. Le gros genou logistique de Tsahal appuyé sur le ventre mou de Gaza n’a d’égal que le genou  chauvin du policier suprématiste Darek Chauvin, honteuse rotule maintenue, de longues minutes durant, sur le cou de Georges Floyd, le faisant passer de vie à trépas. Donc insoutenable !!!

 

 

Note unité d’abord !

Enfin, Professeur, souffre, que je te rappelle, sous le ton de la colère, la grosse bourde irréfléchie et porteuse de provocation dont tu es l’auteur. Tu ne serais pas, j’espère, courroucé, outre mesure. Même si j’use, voire abuse, d’un droit d’ainesse, que notre  culture africaine gérontocrate m’attribuerait. Ce n’est pas dans la constitution des Dogons, mais consacré par l’usage dans nos villages.

 En tout état de cause, un conflit, se passant à des milliers de kilomètres de chez nous, ne devrait pas avoir des dégâts collatéraux sur notre unité nationale ou la « coexistence pacifique », le titre de ton roman. Nous ne laisserons pas les extrémistes, quel que soit leur bord, casser un pacte national réussi, même s’il  gagnerait  à être raffermi et protégé au profit de tous les Mauritaniens égaux devant la loi.

Que ton auguste personne ne se mette en colère et qu’elle considère du moins que j’ai voulu te mettre en garde contre les propos provocateurs et la propension au  sensationnel meurtrier ; au moment où je croyais que tu jalousais les jeunes femmes juives exposant leurs frêles corpulences aux supplices des soldats de Tsahal, pour soutenir la cause des Palestiniens, tes coreligionnaires gémissant sous le faix d’un déluge de  fer et de feu. Préservons l’amitié pour la postérité…

Fraternellement votre.

Brahim Bakar Sneiba, Ecrivain