Aziz va parler : Et après ?

25 March, 2021 - 00:18

Aziz va parler. C’est la nouvelle « menace » que font peser sur nos têtes les soutiens de l’ancien raïs. Une épée de Damoclès a presque dit l’un de ses avocats ! Pourtant…

Aziz a toujours parlé. Du moins depuis son premier putsch contre Taya. Il a dit des tonnes de choses contre son ancien mentor. Ce que l’on sait et ce qui était dans le secret du pouvoir et de ses officines. L’objectif était de se dédouaner d’un président qu’il avait pourtant servi, comme le chef de ses janissaires, durant près de vingt ans ! Il fallait retrouver une nouvelle virginité politico-militaire, en accablant à souhait celui qui avait choisi l’exil au Qatar plutôt que de vivre un présent où l’infamie se le dispute avec l’ingratitude et le mensonge.

Aziz a continué à parler, encore plus haut, quand son cousin, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, que Dieu ait son âme, avait été coopté pour mener à bon port le bateau de la transition qui tanguait déjà. La campagne médiatique d’alors avait pour seul objectif de barrer le passage aux candidats qui ne bénéficient pas de la « couverture » du commandant du Basep, chef présumé des putschistes contre Taya. « Aziz a donné la présidence à Ely »; « Le chef du Basep détient la force, donc le pouvoir »; « Rien ne peut se faire sans le colonel Aziz »; etc.

Et puis la parole s’est transformée en boucan, quand le projet de faire partir Sidioca, Allah yarehmou, de la présidence, après seulement 1 an, 3 mois et 18 jours de pouvoir partagé avec un Aziz devenu premier général de la République « pour services rendus » à…sa propre personne. L’incongruité d’un co-pilotage, qui allait crasher l’avion Mauritanie, a causé d’énormes préjudices au marabout de Lemden qui, par sa conduite de la crise née de la fronde de «l’armée civile » d’Aziz (le bataillon parlementaire) allait se révéler un brave guerrier, malgré son âge, tenant tête aux manœuvres d’un général casse-cou. La suite, on la connaît. Beaucoup d’actes qui n’ont rien à voir avec les paroles proférées depuis la chute de Sidioca.

 

Gabegie, quelle gabegie ?

Le « président des pauvres » allait vraiment honorer son surnom angélique en enfonçant encore plus les pauvres mauritaniens qui voient les prix des denrées alimentaires monter chaque jour au gré de l’humeur de gros commerçants de plus en plus puissants. Pourtant, l’un des "arguments" contre Sidioca était cette supposée "révolte des affamés" provoquée à dessein sans doute, dans un bourg du Grand Est. On avait fustigé la Fondation Khattou Mint El Boukhari, épouse de Sidioca, pour avoir fondé une Fondation. Lui-même et sa famille ne tardèrent pas à en créer une, Rahma ! Une fondation qui est aujourd’hui au centre du dossier des biens mal acquis au cours de la décennie Aziz.

La parole et les actes. Un diptyque politico-machiavélique qu’on va retrouver tout le long de la décennie 2009-2019, les "anciens" n’étant pas mis à l’avant certes (ministres) mais fidélisés par des postes d’arrière-chambre (députés, sénateurs, PCA, ambassadeurs, directeurs d’entreprises).

Le summum de cette cacophonie allait être la très controversée « lutte contre la gabegie » censée nous débarrasser à jamais des "roumouz el veçad" (symboles de la gabegie). Mais celle-là allait être la bonne. Encore la parole que ne suivent pas les actes. On envoie au gnouf du menu fretin, alors que les gros poissons passaient entre les filets. On détournait les regards, on amusait la galerie pour avoir les coudées franches. La gabegie passait, aux yeux du peuple, parce qu’elle était enrobée dans de gros investissements d’infrastructures dont certains allaient se révéler des éléphants blancs. Des milliards perdus. Une désillusion qui se vit aujourd’hui à tous les niveaux, quand beaucoup ont découvert le pot aux roses, y compris au sein même des anciens soutiens d’Aziz. Si Aziz décide de parler, il faut bien qu’il nous dise où sont passés les dizaines de milliards de dollars « pris sur notre dos » auprès des institutions de financement internationales (Banque mondiale, FMI, BAD, Fades, etc.). Autrement, on doit faire les comptes. N’est-ce pas ce que demandait la police des crimes économiques à Aziz avant de transférer son dossier à la justice ? Alors, qu’Aziz parle ! On espère seulement qu’il ne va pas nous réitérer son attitude peu sportive, quand il avait été agacé par les répliques du journaliste Wadiaa, lors d’une émission télévisuelle devenue mémorable. « Eeut’fi » (éteins) !

                                                                         Sneiba Mohamed