Abattu à bout portant par l’armée : Diallo victime d’une bavure

4 June, 2020 - 01:17

Abass  Diallo (35 ans) a été tué à bout portant, dans la nuit du 28 Mai, par une unité de l’armée mauritanienne, d’une balle en pleine poitrine, à Wending (Mbagne), sur les berges du fleuve Sénégal. Originaire du village de Dabbano (M’Bagne), Abass, charretier, transportait des marchandises pour le compte d’un commerçant .Surpris par une unité de l’armée, en charge de la surveillance des frontières, les deux hommes prennent la poudre d’escampette. Pris en chasse, ils s’arrêtent au bout de quelques minutes. Mains en l’air, le commerçant debout, Abass genoux en terre… Toujours les mains en l’air, il tente de se relever… et reçoit alors une balle mortelle en pleine poitrine, sous le regard impuissant de son neveu. « […] il est exclu de parler […] d'erreur », s’indignera l’AMDH sur la base des données recueillies.

La dépouille est évacuée à M’Bagne. Le lendemain, le commandant de la 7ème région militaire, le procureur de la République du Brakna, des officiers de la gendarmerie et de la Garde, le directeur régional de la Sûreté nationale du Brakna, accompagnés du préfet et du maire de M’Bagne se rendent sur les lieux et dressent le constat d’usage. Vendredi 29 Mai, le corps du défunt est remis à la famille pour l’inhumation à Dabbano où l’émotion est vive.

 

L’Armée présente sa version des faits

Quelques heures après le drame, l’armée présente sa version des faits à travers un communiqué qui jette l’opprobre sur la victime. Abass Diallo y est en effet présenté comme « recherché par la justice » et lourd d’« antécédents judiciaires ». Le communiqué relate que « la patrouille a pu arrêter l’un des passeurs, alors que les autres ont pris la fuite […] ». Et d’évoquer, pour tenter de justifier le crime, une tentative d’agression fomentée par la victime à l’encontre d’un des soldats : « […] Au cours de la poursuite, un élément du groupe a tenté d’agresser un soldat. Ce dernier a tiré une balle de sommation en direction de l’agresseur mais cette balle a malheureusement touché mortellement ce dernier […] ».

 

Refus catégorique

La famille d’Abass Diallo réfute en bloc les accusations portées à l’encontre de celui-ci et se dit outrée par ledit communiqué. « Abass est un éleveur. La veille de sa mort, il était parti acheter de l’aliment de bétail à M’Bagne où il fut approché par un commerçant pour un transport de marchandises. Il ne s’est jamais livré à des activités de contrebande et reste inconnu des services de police. Il n’a jamais d’ailleurs eu affaire avec eux. C’est un père de famille rangé qui faisait vivre dignement les siens ». Une version corroborée sur Facebook par Sid’Ahmed Lavdal, un proche du commerçant arrêté : « Le jeune n’a pas d’antécédents judiciaires, c’est un simple charretier qui a depuis longtemps gagné la confiance des commerçants de la zone. Il n’était pas armé et n’avait aucun lien avec les réseaux de trafic. […] ».

Abass avait à sa charge ses six enfants, quatre neveux (enfants de sa sœur décédée) et sa mère de quatre-vingt ans. Soutenus par toute la population et les notables locaux, ses proches ont décidé de porter plainte, réclament l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances ayant entraîné sa mort et récusent tout arrangement. Témoins oculaires de la scène, son neveu et le commerçant ont été entendus, samedi 30 Mai, par la brigade de gendarmerie de M’Bagne.

Le même jour à Dabbano, les parents d’Abass refusaient de prendre les mains de la délégation officielle, venue présentée les condoléances du chef d’état-major général des Armées, un million de MRO. Les proches se disent choqués par des propos jugés « malveillants, inappropriés » et des « menaces à peine voilées ». Face à leur ferme refus exigeant que justice leur soit rendue, la délégation remet finalement ledit montant au maire de M’Bagne, espérant peut-être qu’ils reviennent sur leur décision.

Thiam