ELMINA : Les habitants de Garage Kamara se mobilisent pour la transparence des opérations de recensement des bénéficiaires FSSC

4 April, 2020 - 00:05

Les habitants du quartier dit zone garage Kamara se mobilisent pour la transparence dans le recensement des citoyens devant  bénéficier de l’appui du fonds spécial de lutte contre le Coronavirus, annoncé par le président de la République, lors d’une allocution à la nation. Après avoir salué cette initiative, les citoyens de ce quartier mobilisés par des jeunes de certaines associations  locales ont décidé de ne pas se faire, une fois encore  délester de leur droit. Réunis dans  une maison, non loin de garage Kamara, ils parlent de leur mobilisation et de leur attente. 

Ainsi, au lendemain de l’annonce du chef de l’état, les jeunes du quartier ont démarré une campagne de sensibilisation auprès des familles et des mosquées  pour appeler les habitants à respecter les mesures  prises par les autorités sanitaires et administratives et sécuritaires : gestes de barrière et lavage des mains, distanciation sociale,  en somme des gestes de prévention, explique un des responsables de l’initiative.   Ils ont ensuite pris les devants en procédant au recensement des populations nécessiteuses de leurs quartiers, susceptibles  de  bénéficier de l’aide de l’Etat en cette période de vache maigres.  Des centaines  de photocopies de cartes d’identité des habitants du quartier étaient empilées sur une petite armoire. Et le flot n’est pas prêt de tarir depuis que l’initiative a été lancée. En cette période de crise pendant laquelle les gens sont priés de rester à la maison alors qu’ils devraient sortir pour le pain quotidien, on ne doit pas faire de ségrégation entre les citoyens, tous sont affectés, y compris donc,  ceux  de ce quartier, estime un autre responsable des jeunes. Le recensement effectué par ces jeunes devrait faciliter la tache aux autorités administratives  et municipales ou d’agences nationales dans l’opération de collecte de données, comme la mise à contribution des imams,  avaient souhaité nos interlocuteurs. Mais  leur surprise fut grande quand ils ont appris la mise en place de trois commissions  présidées par le Hakem, son adjoint et le secrétaire général de la commune d’Elmina. Sans l’association des personnes ressources  du quartier. Et leur crainte aujourd’hui c’est de voir, comme toujours, les habitants de leur quartier, laissés  en marge, d’autant plus que des rumeurs circulant dans différents quartiers de Nouakchott évoquent  déjà  un « recensement de complaisance et sélectif ». Certains habitants peinent à connaître qui dirige l’opération sur le terrain et les  endroits  où elles s’effectuent. A Arafat, les habitants ont vu passer une voiture mobile qui s’arrête là où elle veut, choisit une famille avant  de démarrer en trombe pour une autre zone. Comme toujours, un fort risque de confusion  et d'injustice plane sur cette opération pourtant cruciale et salvatrice pour les populations démunies.

Et  c’est justement pour éviter des injustices et  des frustrations  que les jeunes de ce quartier  ont  décidé  de se mobiliser ; ils disent œuvrer pour que l’appui décidé par le président de la République puisse profiter  aux véritables nécessiteux. Des nécessiteux comme  Baro, Deida, Binta, Khadijettou … 

Très amère, Deida qui vit dans le quartier depuis 20 avec ses enfants,  jure n’avoir jamais bénéficié des aides de l’Etat. Elle dénonce déjà la manière dont  les opérations auraient démarré. Un adjoint au maire est venu près de chez moi pour récupérer la carte d’identité de ma voisine, parce qu’il la connaît, révèle-t-elle.  Et  de narrer : «Nous avons toujours appris des autres que des distributions ont eu lieu à tel endroit, ou apercevons des voitures passer vers d’autres directions. Tenez, un homme de moi m’a une fois confié deux carcasses de moutons, subtilisées  lors d’une opération de distribution, mais il ne m’en a laissé aucun morceau. Dieu merci, je me débrouille et arrive à subvenir aux besoins de ma  famille, de mes enfants...  Elle ajoute: les acteurs politiques  et les élus ne se rappellent de notre présence ici  que pendant les élections, alors,  on accourt  pour nous demander de dresser des tentes et de mobiliser les électeurs au profit des candidats qui disparaissent, une fois élus. Nous  osons espérer  que cette fois, les choses ne se passeront pas comme par le passé, nous allons élever le ton pour réclamer notre droit, s’il le faut,  jusqu’auprès du président de la République, conclut-elle.

Pour M. Baro, ’’je n’ai pas de boulot, depuis  bien longtemps, ma famille  vit aux dépens  de mon épouse  qui tient un petit commerce,  et depuis 2001 que j’habite ce quartier, nous n’avons jamais bénéficié d’une graine de blé, d’un litre d’huile, d’un kg de sucre,  d’un morceau de viande ou d’un petit poisson,  je crois que cela est réservé aux autres, nous pas’’.  Et Khadijettou  d’embrayer : je vis avec 5 enfants orphelins de bas âge et  trime dur pour les nourrir. Les appuis de l’État ? On ignore ; ca se passe toujours à côté, jamais chez nous. Les autorités ne connaissent pas  bien les habitants de notre zone qui ont toujours été des oubliés dans des opérations de distribution de vivres ou s’autres produits ; nous  espérons que cette opération décidée par le nouveau président sera répartie dans la transparence et au profit de véritables nécessiteux. 

Les habitants de la zone Garage Kamara, mais aussi d’autres quartiers de la capitale mettent déjà en doute la transparence des opérations de recensement  et donc des distributions qui doivent en découler.  Les pouvoirs publics doivent aussitôt rectifier le tir en impliquant les élus certes, mais aussi des personnes ressources, des imams  des quartiers qui ont l’atout de connaître les véritables nécessiteux. Aujourd’hui, la tâche est très ardue parce qu’en cette période, presque tous les citoyens sont affectés, particulièrement  la petite main d’œuvre, le petit commerce, la restauration. Certaines entreprises  qui payaient des salaires de misère certes  ont commencé à se débarrasser de leur personnel. Cette invite aux gens  à rester chez eux a un coût.